Après un tour de chants explosif dont la fin a été saluée par six rappels du public sous les clameurs houleuses, d'applaudissements frénétiques, d'ovations hurlées, de sifflets stridents, celle que l'on a appelée tour à tour, la "Militante de la chanson" "l'impératrice de la chanson africaine", "la pasonaria chantante", Myriam Makeba nous reçoit dans sa loge au "Palais du Peuple".
Des yeux noirs intenses, mobiles, soulignés par un sourire éclatant de fraîcheur et de gentillesse. Une toque à rabat de prêtresse antique, scintillante. Sculptée harmonieusement dans une longue jupe blanche dont la fente du devant montre les jambes large d'un pantalon en tissu imprimé. Richement baguée, des doigts fins et longs au bout de bras qui esquissent de lents et gracieux mouvements pour ponctuer chaque propos. Une voix prenante au grave caressant. Des rires qui partent juvéniles, francs, brefs et se figent aussitôt au sourire fixe et lactescent. Simplicité cordiale, cette légendaire affabilité d'une jeune femme symbolisant et assumant à la fois la longue lutte de libération d'un peuple, son peuple, dans le vaste champ miné de la culture universelle.
"Aussi loin que remontent mes souvenirs, je me vois chantant. Je me rappelle qu'à treize ans, lors d'une visite du roi George V d'Angleterre en Afrique du Sud, j'ai interprété pour lui et sa suite, devant un parterre de personnalités coloniales, un chant Xhoza intitulé: "Hayi Usizi Lamtu". Ce chant pose la question de savoir pourquoi toutes les nations blanches considèrent elles les noirs comme leur descente de lit ? Depuis cette époque je me sers de ma voix comme une arme de combat, et tant que je pourrais aspirer de l'air, je l'utiliserai en plus de toute mon énergie pour lutter résolument en faveur de la libération de tous les peuples africains et de ceux opprimés de par le monde".
D.I.K.